Je sais pas pour vous, mais moi la semaine dernière il m’est
arrivé une aventure extraordinaire. En même temps, je vous cache pas que quand
on est libraire (qui plus est libraire assermenté blog sur internet), c’est un
peu tous les jours une aventure, on est une boîte de chocolats à nous tout
seuls, même si certains libraires sont du chocolat liqueur en permanence (je ne
sais pas quel est le con qui a inventé ça. Sûrement celui qui a aussi pondu les
After Eight). Cette aventure a impliqué votre serviteur, une livebox et orange.
C’était vraiment très rigolo, mais j’imagine qu’il fallait être là, sinon on
passe un peu à côté. Toujours est-il que je n’avais plus internet chez moi.
C’est qu’on s’habitue à ces p’tites bêtes, on s’attache, Internet vous manque
et tout est dépeuplé, bordel comment je vais faire maintenant pour trouver la
meilleure recette de pâtes au thon et savoir à quelle heure ouvre l’agence
Orange ? (j’ai beau chercher, je vois pas trop à quoi d’autre peut bien me
servir internet chez moi). Non seulement on s’habitue, et pas que pour ouvrir
une boîte caramail ou chater sur multimania, mais en plus c’est rudement
pratique pour faire des mises à jour instantanée sur son blog instantané. Et
comme je suis plutôt du genre cigale que fourmi (au début j’avais écrit mygale,
mais ça sonnait bizarre et poilu et déplacé. Heureusement que y’a Google, qui
me permet de briller en société), je n’ai pas pour habitude de faire des
réserves et d’écrire pour plus tard. La procrastination à l’état pur. Mais me
voilà. En bout de parcours car on arrive à la fin du mois de Mai et je n’ai pas
écrit toutes les chroniques promises, mais je n’ai qu’une parole, même si
parfois elle se fout un peu de la gueule du monde, et je vais donc donner mon
avis express sur chacune des Bds demandées.
Oui je sais bien que c’est pas pareil, mais dites vous que
c’est mieux que rien, que j’aurais aussi pu laisser s’écraser le sablier et
attendre le mois de Juin, vous dire à y’est c’est ma fête (oui, elle tombe en
Juin) et bientôt mon anniv’ (ibid.), donc soyez pas égoïstes, place à moi un
peu, on oublie vos Bds, là, et intéressons-nous plutôt à ce qui m’intéresse
moi. C'est-à-dire pas grand-chose, si ce n’est gambader la barbe au vent et les
fesses à l’air dans la chaleur de l’été et des champs de coquelicots.
Allez, je prends dans l’ordre que j’ai noté sur mon calepin
Moleskine chéri, en espérant que je n’ai oublié personne, suis une mygale un
peu tête en l’air, parfois.
Les lettres d’Agathe (Ferlut) : la qualité première de
cette Bd (enfin celle que je trouve rafraichissante, en fait), outre le fait qu’elle
est merveilleusement bien écrite, c’est que ce n’est pas de l’auto-fiction. Parce
que bon, merci hein, ça commence à bien (et souvent mal) faire. J’en sais
quelque chose puisque je ne sais moi-même rien écrire d’autre. Une Bd que je
conseille très souvent à la librairie, pour son sujet et sa trame originaux,
qui parle très bien de l’absence d’amour maternel et de ce que c’est que de
grandir au milieu d’un secret de famille.
Coucous Bouzon (Ricard) : C’est très drôle, comme tout
ce qu’écrit/dessine Anouk Ricard. On croirait comme ça qu’il s’agit d’une
satire du monde du travail, mais en fait non, c’est surtout une enquête fofolle
et rythmée à la limite de l’absurde dans laquelle y’en a pas un pour rattraper
l’autre. Surtout du côté des patrons.
Blankets (Thompson) : j’ai toujours eu un dilemme avec ce
Blankets. Principalement parce que je le trouve niais. Et que j’ai toujours eu
du mal avec la niaiserie (enfin sauf la niaiserie aux coquelicots, celle-ci est
légitime). Reste que c’est un essentiel, paradoxalement (mais suis pas à un
paradoxe près), et que le Craig Thompson réussit parfaitement ce qu’il a
entrepris. Alors oui je sais bien que c’est pas toujours un argument
formidable, certains entreprennent de faire de la merde et y arrivent
parfaitement, c’est pas pour autant qu’il faut applaudir, mais je pense que
vous me comprenez. Une jolie introspection initiatique sur fond de oh mais qu’est
ce qu’il nous arrive, touchons nous de suite et suivons notre libido, sauf que
ah non attends, y’a Jesus qui veut pas, p’têt vaut mieux attendre, la
frustration est la maîtresse inavouée du désir, viens, tenons-nous par la main,
plutôt. Mais sorti de là, c’est chouette comme tout.
Les Moomins (Jansson) : c’est surtout et avant tout un
de mes premiers souvenirs de lecture (je parle des romans). Et puis faut
reconnaître qu’ils sont mignons comme tout, ces cons. En dehors de ça, j’ai pas
grand-chose à en dire, tiens.
Jeanine (Picard) : moi aussi je devrais écrire sur ma
voisine. Même si celle-ci n’est pas franchement haut en couleurs (haute ?),
que ce soit du côté de Strasbourg ou de la prostitution. Même si ma voisine est
plutôt un voisin. Et que je ne le vois jamais. Je sais à peine ce à quoi il
ressemble, et j’espère qu’il ne m’invitera pas à manger du chorizo le jour de
la fête des voisins (m’obliger à pique niquer avec des inconnus, merci, encore
une idée à la con). Bon d’accord, autant que je n’écrive pas sur lui. Ce qui n’enlève
rien aux nombreuses qualités du Jeanine de Matthias Picard. Comme quoi y’a
encore de bonnes Bds chez L’Association.
Lupus (Peeters) : Aaaaah, Lupus. C’est dommage qu’on
soit pressé, j’aurais pu en écrire des tartines (oui je sais, c’est facile à
dire) tellement voilà de la Bd
que chacun devrait posséder en double. En même temps, j’ai déjà du en parler
dans leslibrairessecachent lors de la sortie de l’intégrale. J’en remets donc
simplement une petite couche, finalement.
L’archiviste (Schuiten/Peeters) : alors non, il ne s’agit
pas du même Peeters. Là on est dans les Cités Obscures. Et ça fait partie des
très bons de la série. Bon après, pour être honnête, suis pas exactement un
expert en la matière (j’ai dû en lire 4 en tout et pour tout, dont celui-ci),
alors autant en rester là, surtout que j’oscille généralement entre fascination
outrancière et ennui architectural profond.
The Grocery (Singelin/Ducoudray) : un de mes coups de cœur
de l’an passé (ce que ça peut être crétin, comme terme, ce ‘coup de cœur’,
faites moi penser à ne plus jamais l’utiliser), une sorte d’ambiance à la
The Wire (influencé par le fait que ça se
passe à Baltimore, certes, mais aussi parce qu’on suit tous les personnages à
égalité dans le milieu de la drogue). Une Bd à part et totalement réussie.
Au pays de la mémoire blanche (Norac/Poulin) : en tout
cas, c’est joli. Ou plutôt, je comprends qu’on trouve ça joli. Je fuis
évidemment tout ce qui est estampillé Amnesty International, mais là ça vaut le
coup de se pencher sur sa question.
Polina (Vivès) : Je ne vais pas m’acharner injustement
sur Bastien Vivès, d’autant plus que je le trouve très réussi, ce Polina. Je n’arrive
pas à le défendre (mes ventes sont ridicules, c’est fou, alors même qu’il était
en pile, alors même qu’il a eu 20 000 prix, alors même que je disais que
sisi, c’est bien, pourquoi ?), mais ça n’enlève rien au fait que je le
trouve très bien. Il évite enfin de raconter des histoires de puceaux qui se
font plaquer dans le métro ou après une nuit d’amour éphémère, ça fait du bien.
Après, bon…la couverture me fait peut être un peu trop peur, je sais pas.
Les aventures extraordinaires de Lio (Tatulli) : c’est
pas simple d’attirer mon attention en matière de comics trips. Et celui là le
fait, et plutôt deux fois qu’une. Un monde effectivement extraordinaire, très
prenant, pas toujours hilarant mais avec une identité propre et plantée dès le
départ. J’ai une véritable fascination pour ce titre là, sans trop savoir
pourquoi, et en me disant qu’il est bien impossible de le conseiller. D’autant
plus que franchement, messieurs-dames de chez Hors Collection, était-il bien
utile et raisonnable de publier toutes les pages du dimanche ensemble, au début
du livre ? Non mais franchement….(ou alors c’est pour une histoire de
cahier en quadri, et là je vous félicite pas).
Le chien dans la vallée de Chambara (Micol) : comme
toujours avec Micol, c’est super beau. Bon après, son seul défaut (et il n’y
est pour rien) c’est d’arriver tout en bas de ce speed-chroniques et que là
suis fatigué (il est tard, même si ça se voit pas, et c’est pas toujours de
tout repos de faire la roue les fesses à l’air). Enfin son autre gros défaut c’est
d’être épuisé depuis un petit moment. Ce serait une joyeuse idée que de le
réimprimer.
Bon voilà. Ce fut un peu fastidieux, je le ferai pas tous
les jours, mais ma mission est remplie. A bientôt pour de nouvelles aventures,
donc, et merci pour vos suggestions !