lundi 14 mai 2012

Course de bacalao

Si je faisais mon Bukowski (un Bukowski sobre, petit, non ravagé par l’acnée ou la vie, certes) et que les sorties Bd étaient le champ de courses, alors je parierais sur le cheval Portugal pour remporter celle de la plus belle accumulation de clichés. Il aurait une vraie grande et belle longueur d’avance sur ses concurrents, à tel point qu’on en essorerait les pages à la recherche de kétamine dans le sang du jockey ou de gênes de poneys dans celui du cheval (je vois pas comment ça pourrait ne pas être un avantage).

L’artiste trentenaire en mal d’inspiration qui se cherche un peu, qui vit fantomatiquement dans son couple sans trop se poser de questions (heureusement qu’elles sont là pour se les poser à notre place), même que du coup elle en a un peu marre, sa moitié éphémère, qu’il ne s’ouvre pas un peu plus et ne parle pas de ses sentiments et aspirations (de quoi je me mêle, cela dit). Comme souvent quand on se cherche, on part se trouver ailleurs, dans le passé, dans ses racines, dans sa famille, afin de creuser un peu loin du trou qui est en train de se former sous ses pieds. Or, on les choisit pas, ses racines, c’est comme ça. Les miennes sont à moitié Canadiennes, ce qui me vaut quelques quolibets pour je ne sais quelle raison erablophobe, et du coup je peux m’identifier à ce sympathique personnage qui se cherche à la trentaine, même s’il ne me viendrait pas à l’esprit de prendre un avion pour Toronto afin de mieux comprendre ce qu’est le déracinement et l’espoir de moins de neige ailleurs, mais bon, chacun son truc.

Le titre de la Bd ne laisse que peu de place au suspense et oui, en effet, le voilà qui part crapahuter du côté du Portugal malgré ses réticences (se faire plaquer aide à avoir envie de tourner une page et de retourner voir ses cousins au soleil, faut dire). Je m’introspecte suffisamment pour ne pas avoir envie de lire les autres le faire, c’est pour ça que pour ces sujets-là, j’ai tendance à éviter l’obstacle bourriquement.

Sauf que celui-ci mérite pleinement d’être passé les bras écartés et les cheveux au vent tellement l’exercice est lumineux et finalement très peu nombriliste. Le quotidien rapporté à des questions existentielles tout en subtilités, c’est pas donné à tout le monde. Surtout sur plus de 250 pages qu’on lit d’une traite, surtout avec ces couleurs et ces planches qui ne font jamais office de remplissage facile comme souvent dans ce genre.

Portugal c’est déjà un succès éditorial de bouche à oreille de ohlala il faut que tu le lises, ça vaut son pesant de 35€, d’ailleurs il a eu le prix des lecteurs Fnac à Angoulême c’est dire si….heu oui bon. Le succès aurait pu être encore plus flamboyant sans un calcul assez étrange de Dupuis qui a consisté à ne pas le réimprimer suffisamment pour Décembre et Janvier tout en laissant la Fnac faire des grosses piles d’invendus dans leur coin (ils doivent pas se rendre compte que parfois, les lecteurs achètent leurs livres ailleurs). Mais bon, c’est une râlerie purement professionnelle, faites pas attention.

Toujours est-il que dépasser un tel handicap n’est pas un mince exploit, et que j’aurais aimé réussir à caser dans cette chronique le terme ‘débourrage’, sauf que j’ai jamais su de quoi il s’agissait. J’attendrai la prochaine Bd introspective nombriliste.

1 commentaire:

  1. Les dessins ont l'air somptueux...En ce qui concerne l'histoire, tiens, c'est marrant comme je m'en contrefous de ce type et comme ce synopsis ne m'interpelle absolument pas...J'ai donc décidé que je ne regarderai que e les images, sans lire le texte. Voilà.

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