Quand je veux impressionner un client (bon ok, généralement
c’est une cliente. Mon côté sexiste Casanova de gouttière), je lui demande nonchalamment
si au fait, tiens, tant qu’on est là, vous avez lu du Marc-Antoine Mathieu ?
C’est un nom intrigant et ils sont donc intrigués et veulent en savoir plus
plutôt que de bailler en regardant leur montre et en pensant au rôti de ce soir
ou à la glace à la pistache qui les attend devant un film médiocre. C’est du
gâchis dans la mesure où la glace à la pistache est faite pour être dégustée et
non servir de prétexte pour passer le temps, mais bon, je vais pas commencer
une tirade sur les habitudes alimentaires absurdes de mes concitoyens.
Il impressionne rien qu’avec ses pitchs (je suis sorti du
domaine culinaire hein, je parle pas de brioches) et ses inventions visuelles,
et quand j’explique que voyez-vous, Julius Corentin Acquefaques, c’est un peu
le verlan de Kafka, je sens que la curiosité est piquée et que y’a plus qu’à
mouliner le moulinet. La particularité de Marc-Antoine Mathieu, outre le fait
de partager en partie le patronyme d’un mec qui s’est tapé Cléopâtre, c’est qu’il
ne sort un album que s’il a une idée. Et une idée originale. Qui joue avec les
codes de la bande dessinée. Et qui permet d’écrire des chroniques qui incluent
l’expression ‘mise en abyme’, même si je suis pas toujours sûr que ce soit
approprié, mais bon, peu importe, ça rend bien. Bon par contre, quand je montre
la 2,333ème dimension, je dois rappeler que oui, c’est en partie en
3D, mais c’était avant la mode, n’allez pas croire, la ressortie de Titanic n’a
rien à voir là dedans, laissons les cadavres sous l’eau, focalisons nous sur le
vivant et l’abstrait et le noir et blanc qui lui va si bien, à ce Julius
Corentin. Le Processus est l’album le plus foufou, celui qui m’a fait aimer la
Bd (oui, ils sont nombreux à m’avoir
fait aimer la Bd, mais celui-là est particulièrement marquant). Prix du
meilleur scénario en 1994, je fus intrigué, et comme en plus j’aime bien le
jaune, j’ai foncé tête baissée. Et puf. Et paf. Et han. Et ah ouais quand même.
Qui sont précisément les réactions de mes clients quand ils
se laissent tenter et reviennent peu de temps après. Parce que Le Processus, c’est
de la Bd intelligente et maline, un paradoxe temporel évité, une boucle
temporelle avérée, la preuve qu’il en faut peu pour que nos rouages s’enraient
et qu’on se prenne les pieds dans notre tapis de rêves. Avec en prime un vortex
super classe découpé dans le papier. Je me demande depuis si je serais pas, par
hasard, un personnage de bande dessinée. Ça expliquerait beaucoup de choses. Le
scénariste fait un peu dans la facilité du quotidien par moment et devrait
faire preuve d’un peu plus de capacités à manier l’ellipse (le quotidien peut
être un peu chiant, parfois, surtout quand le cour est bâché), mais dans l’ensemble
il s’en sort pas trop mal. Côté dessin, je me trouve réussi. Faudrait juste
songer à arrêter de donner des coups de gomme sur ma calvitie naissante. Merci.
Tout ça pour dire que monsieur Mathieu est un auteur à part
qui me donne un air intelligent qui est purement factice. Ce pour quoi je l’en
remercie. Le factice, j’en fais mon affaire.
Aaah, content d'avoir votre avis sur MAA.
RépondreSupprimerPersonnellement j'ai préféré "L'origine" au fameux "processus". Cette BD m'avait complètement scotché quand je l'avais découverte :)